Qu’est-ce qu’une forêt-jardin ?

Qu’est-ce qu’une forêt-jardin ?

Qu’est-ce qu’une forêt-jardin ?

Au cœur de la forêt-jardin, une rangée de 7 espèces différentes de noisetiers / La forêt-jardin en fleurs, depuis sa lisière (fin mars 2022)

En accord avec les grands principes de la permaculture et de l’agroforesterie, la forêt-jardin se conçoit sur le modèle de la forêt, qui pousse et se porte bien sans intervention nécessaire de l’homme. Dans la forêt-jardin, il n’y a donc pas ou peu d’entretien : pas de fertilisation, pas de désherbage, pas d’arrosage, sauf durant les 2 ou 3 premières années. C’est une forêt avec des essences comestibles ou qui contribuent à rendre les autres productives. Il y a par exemple des plantes qui captent l’azote de l’air ou les minéraux du sol et les restituent aux autres plantes qui ne savent pas les capter, des plantes génératrices de biomasse qu’on peut utiliser en paillage, des plantes mellifères, etc. 

 

Une forêt plantée d’essences comestibles

Dans la forêt-jardin, on produit des fruits, des fruits à coque, des légumes, des plantes aromatiques, des racines, des champignons, etc. Toutefois, les légumes produits seront ceux qui peuvent pousser à l’ombre ou mi-ombre, et ne seront pas forcément les plus courants : pas de tomates à l’ombre. Par contre, les espèces moins habituelles qui peuvent y être cultivées sont source de grande diversité alimentaire et donc de nutriments (par exemple, les jeunes feuilles de tilleul à consommer en salade).

La forêt-jardin est parfois aussi appelée forêt comestible, ou forêt nourricière, ou encore jardin-forêt. Les nuances d’une appellation à l’autre sont faibles. Au final, on comprend bien l’idée : la forêt pour modèle et des aliments comme production principale.

Les forêts-jardins peuvent être petites (quelques centaines de m²) ou moyennes (quelques milliers de m²) ou grandes (1 ha ou plus), selon l’espace disponible.

 

Un système nourricier en trois dimensions

Selon Robert Hart, qui a posé les bases de la forêt-jardin en zone tempérée, la forêt-jardin comporte 7 strates : 

  • les grands arbres de la canopée (fruitiers de haute tige, châtaigniers,…),
  • les petits arbres (fruitiers basse tige, noisetiers,…), 
  • les arbustes (petits fruits comme framboisiers, groseilliers,…), 
  • les vivaces herbacées (rhubarbe, légumes vivaces, consoude,…), 
  • les plantes couvre-sol (fraises des bois,…), 
  • les plantes grimpantes (vigne, kiwi,…), 
  • les légumes racines (raifort, topinambour,…). 

Certains ajoutent 3 strates supplémentaires pour arriver à 10 : les champignons, les plantes aquatiques qui vivent quasiment entièrement immergées (hydrophytes), et celles dont seule la racine est dans l’eau (hélophytes).

Pour plus de commodité, on peut simplifier et ne retenir que 4 niveaux : les arbres, les arbustes, la strate herbacée, et les plantes grimpantes.

 

Un environnement de résilience

Outre la nourriture, la forêt-jardin offre de nombreuses productions secondaires : plantes médicinales, bois de chauffage ou de construction, fourrage, paillage, matériaux pour l’artisanat (vannerie par exemple), etc. Par ailleurs, elle rend de multiples services : atténuation des extrêmes climatiques, micro-climats (piège à soleil, ou au contraire, fraîcheur préservée l’été, selon le design), accueil de la biodiversité, brise-vent, brise-vue, beauté, utilité pédagogique, etc. Et bien sûr, la forêt-jardin capte le CO2. 

Produire grâce à des plantes presque toutes vivaces, en travaillant avec la nature plutôt que contre elle, tout en lui rendant de multiples services : la forêt-jardin est un environnement de résilience !

 

Patience, expérimentation et émerveillement

Pour implanter une forêt-jardin, il faut être patient : votre forêt-jardin n’aura l’allure d’une forêt qu’au bout de plusieurs années. Mais n’est-ce pas merveilleux de pouvoir admirer l’évolution progressive ? de se régaler des mises à fruits successives des différentes espèces ? de tester des variétés et des associations ?

J’ai eu la chance de visiter la forêt-jardin de Jean-Marie, dans le pays des Sorgues (Vaucluse). Il a démarré voici environ 30 ans, avec deux rangées d’arbres espacées de 6 mètres. Au départ, Jean-Marie n’avait pas prévu d’en faire une forêt-jardin, cela s’est fait un peu par hasard. Il a constitué sa forêt-jardin petit à petit, au fur et à mesure des achats, semis, trocs, boutures, plantes qui se sont semées toutes seules avec les animaux, le tout soigneusement consigné dans des classeurs. Maintenant, la forêt-jardin couvre 3 000 m² et comporte des cerisiers, des noisetiers, un mûrier noir, des grenadiers, un noyer, des vignes qui grimpent aux arbres, de l’ail des ours qui supporte très bien l’ombre de la forêt, des poireaux de vigne qui sont vivaces et se multiplient seuls, de la sauge triloba, etc. Je ne saurais citer toutes les espèces ! La forêt-jardin de Jean-Marie, qui est maintenant à la retraite, a une vocation nourricière, pour famille au sens élargi et amis, et expérimentale.

Car Jean-Marie aime expérimenter et sait être patient : sur 100 semis d’abricotiers, il a obtenu 2 arbres exceptionnels, dont les fruits valent bien la patience qui a été nécessaire. Le conseil de Jean-Marie : « Le meilleur engrais, c’est la matière grise ! ».

 

D’autres exemples 

Le concept de forêt-jardin est nouveau en climat tempéré, en revanche il existe depuis longtemps en climat tropical : de nombreuses familles ont, autour de leur maison, un jardin planté d’arbres fruitiers, d’arbustes à petits fruits, de légumes et de plantes médicinales. Bref, une forêt-jardin ! Mais les voyageurs occidentaux ne le remarquent pas toujours, car leur œil n’est pas habitué à reconnaître les espèces locales, qu’elles soient comestibles ou médicinales.

En Europe, un précurseur a suivi les pas de Robert Hart : il s’agit de Martin Crawford, basé dans le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne. Depuis plus de 20 ans, il a planté une forêt-jardin, puis une 2ème et une 3ème, a créé une fondation étudiant l’agroforesterie en zone tempérée, et a rassemblé ses connaissances dans un livre très complet intitulé La forêt-jardin. Il organise également des visites de ses forêts-jardins, ainsi que des formations.

D’autres forêts-jardins ont commencé à voir le jour en France également.

Pour en faire une activité économique, principale ou complémentaire à une autre activité, peu de données existent à ce jour pour informer sur le chiffre d’affaires qu’on peut en espérer, et le temps de travail à y consacrer. Je peux vous conseiller l’étude réalisée par la Ferme biologique du Bec Hellouin sur ce sujet (https://www.fermedubec.com/la-recherche/les-rapports-scientifiques/ puis descendre jusqu’à La forêt-jardin).

 

Pour aller plus loin 

Une forêt-jardin est un environnement complexe. Il est notamment judicieux de sélectionner les associations de plantes qui s’aident mutuellement, en repoussant par exemple les nuisibles, de valoriser les lisières, d’examiner la possible introduction d’une mare, de prendre en compte les besoins en pollinisation des espèces retenues, etc. 

Pour concevoir une forêt-jardin, il faut partir de vos objectifs, de votre contexte pédo-climatique, des contraintes et des ressources de votre site. Puis vous réfléchirez avec soin au design, avant d’aller dans le détail du choix des végétaux, et enfin, de procéder à l’implantation.  

Si vous êtes passionné(e) par les plantes et que vous aimez expérimenter, lancez-vous ! Vous pouvez également préférer vous faire aider par des spécialistes.

Pour aller plus loin, il existe des formations et des ouvrages, notamment : La forêt-jardin de Martin Crawford, Vivre avec la terre de Perrine et Charles Hervé-Gruyer (3 tomes dont le tome 2 traite de la forêt-jardin sur une soixantaine de pages), Créer une jardin-forêt de Patrick Whitefield.

Corinne Thérézien-Racamier

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Corinne Thérézien-Racamier est titulaire d’un BPREA (Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole) et d’un CCP (Cours Certifié de Permaculture), et s’est spécialisée en forêts-jardins. Elle est engagée pour développer le potentiel des forêts-jardins en faveur d’une alimentation de qualité et d’une planète préservée. Elle assure des formations sur le sujet.

2 Replies to “Qu’est-ce qu’une forêt-jardin ?”

  1. bONJOUR, et je tenais à vous remercier de cet article synthétique et precis qui participe à la connaissance de ce type de lieu et de tous les bienfaits.
    Je suis moi même avec ma compagne en cour de réalisation d’un jardin-forêt, dans le lot et garonne. Commencé en 2020, nous avons accueillis les premiers visiteurs lors d’un we jardin au naturel organisé par le cpie, et nous avons eu un excellent retour de la dizaine de visiteurs.
    Plus de 1000 plants sont déjà en terre, et ils se stimulent les un les autres pour s’étirer vers le ciel…et nous donner les premiers fruits.
    Encore merci de ce sujet très bien traité.
    Bonne soirée, michel et Rachel

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