Tribune / Hors-série Des vignes en résistance

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Vitis prohibita @ Stephan Balay

Tribune par Jérôme Villaret / Hors-série Des vignes en résistance

Les cépages patrimoniaux : une richesse oubliée, la prochaine révolution de la viticulture du XXIe siècle

La filière viticole doit relever de nouveaux défis pour survivre. Les cépages patrimoniaux oubliés, revenant au devant de la scène, apportent de véritables solutions pour une viticulture durable.
Le monde viticole français connait une nouvelle crise. Il a du mal s’adapter rapidement aux nouvelles demandes des consommateurs en recherche de vins plus sains pour l’environnement, plus aromatiques et moins tanniques. Le changement climatique rapide impose, lui aussi, une adaptation des vignobles sous peine de disparaitre. Aujourd’hui, 85% de la production mondiale de vins sont issus de seulement 20 cépages. Depuis les années 1980, l’uniformisation mondiale prédomine pour que les consommateurs puissent retrouver le goût du cépage qu’ils apprécient dans les vins provenant de toute la planète. Pourtant cette uniformisation a fini par lasser les consommateurs qui recherchent aujourd’hui une diversité et une authenticité de terroir dans les vins qu’ils achètent.

Dans le monde viticole, il existe une richesse insoupçonnée qui a été perdue au fil des décennies : les cépages patrimoniaux. Ces cépages sont des variétés autrefois bannies, soit par des lois restrictives, soit par les vignerons eux-mêmes à cause de la mauvaise adaptation de ces variétés aux conditions de l’époque.
Sur tous les terroirs du sud de la France, des vignerons lancent des initiatives pour redonner vie à ces variétés oubliées, ouvrant la porte à de nouvelles expériences gustatives. Chaque cépage possède des caractéristiques uniques, transmettant l’esprit du terroir où il est cultivé. Leur réintroduction élargit l’éventail des vins français, offrant aux amateurs une nouvelle palette de goût à explorer.
L’interdiction de certains cépages remonte à une époque révolue. Ces mesures drastiques étaient certainement nécessaires, à ce moment-là, pour préserver les équilibres du vignoble. Les gouvernants eux-mêmes ne se rappellent plus les raisons de leur interdiction. De nouvelles raisons sont apparues pour continuer à justifier l’impossibilité d’une réhabilitation (mauvais goût, vins contenant des molécules dangereuses pour la santé, etc.). Cependant, il est temps de réexaminer ces interdictions et de reconnaître les bénéfices que ces cépages interdits peuvent apporter à l’industrie viticole d’aujourd’hui.
Des a priori tenaces sur des problèmes de qualité ont maintenu l’ostracisme sur les cépages interdits. Aujourd’hui, une poignée de vignerons en Cévennes démontrent que ces cépages ont un vrai potentiel, à condition de respecter les règles de vinification modernes.
La nécessaire adaptation au changement climatique constitue un atout crucial des cépages patrimoniaux. Il devient essentiel d’identifier des cépages capables de prospérer dans des conditions plus extrêmes (chaleurs, sécheresses excessives, gels de printemps, conditions climatiques favorisant le développement des maladies de la vigne, etc.). Les cépages oubliés, qui ont survécu à des épreuves passées, peuvent offrir, suivant les terroirs et les climats des solutions prometteuses pour assurer la pérennité de notre viticulture face aux défis climatiques et sociétaux. Notamment les cépages interdits, qui résistent naturellement aux maladies de la vigne, n’ont pas besoin de traitement et peuvent donc faciliter la conduite en agriculture biologique du vignoble.
Relancer la production des cépages patrimoniaux contribuerait à la préservation de notre patrimoine viticole. La viticulture est une partie intégrante de notre héritage culturel et chaque cépage porte en lui des siècles d’histoire et de tradition. En les réhabilitant, nous préservons notre identité viticole unique.

De nouvelles voies de la recherche agronomique sur la création de cépages résistants aux maladies et à la sècheresse apportent, elles aussi, des solutions prometteuses. Là encore, tout comme les cépages interdits, le développement à grande échelle de ces nouvelles variétés résistantes se heurtent à une règlementation tatillonne.
Il est temps d’adopter une approche plus ouverte et progressiste envers les cépages. Cela ne signifie pas de renoncer à nos cépages emblématiques mais plutôt d’embrasser une plus large diversité qui enrichirait notre industrie viticole dans son ensemble. Les règles qui régissent les plantations et les classifications doivent être revues, pour permettre aux viticulteurs d’expérimenter par eux-mêmes sans les contraintes bureaucratiques qui les en empêchent aujourd’hui.

La réhabilitation des cépages oubliés serait une victoire pour l’innovation, la diversité et la préservation de notre patrimoine viticole. Il est temps de briser les barrières du passé et d’explorer de nouvelles voies. Encourageons la recherche et l’expérimentation pour redonner vie à ces trésors méconnus et permettre une nouvelle dynamique à la viticulture française.

Ensemble, redonnons aux cépages patrimoniaux la place qui leur revient, afin que cette richesse oubliée puisse briller à nouveau dans nos verres.

Jérôme Villaret

One Reply to “Tribune / Hors-série Des vignes en résistance”

  1. Bravo pour l’article je suis 100% d’accord, ces cépages existent il faut les cultiver et sûrement même les sauver. Il y a bien sur les cépages interdits pour de fausses raisons mais il y a tous les autres hybrides il en existe des centaines cultivées un peu partout en France pas uniquement en Cévennes, qui ne brille pas par son ouverture d’esprit, alors que les plus grands hybrideurs ont essaimés bien au delà des Cévennes et ont probablement sauvés la viticulture.
    Ce que je veux dire sur le papier vous êtes très bon et c’est bien de parler des cépages interdits, mais quand vous creusez un peu : les Cévennes sont fiers de ce qu’ils sauvegardent et je partage, mais il n’y a pas qu’eux sortez un peu de chez vous le régionalisme est pire que tout quand il vous met des œillères.

    Pierre Moureu

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